Le mercredi 11 mai à Fribourg, une vingtaine de militant.e.s de diverses organisations suisses et françaises dont ATTAC, Uniterre, le CETIM et le RéAct, sont venus rendre visite à l’entreprise Socfin et faire du boucan dans la rue. Nous étions là pour demander des comptes à l’entreprise quant à l’accaparement des terres de petits paysans de pays d’Afrique et d’Asie pour leur commerce d’huile de palme et des dommages faits à l’environnement et envers les communautés.
SOCFIN est un groupe agro-industriel multinational spécialisé dans la culture de palmiers à huile et d’hévéa (caoutchouc). SOCFIN est contrôlée par l’homme d’affaire belge Hubert Fabri (50,2% des parts) et par le français Vincent Bolloré (39% des parts). Le groupe dispose de sociétés financières et opérationnelles en Belgique, au Luxembourg et en Suisse qui gèrent des plantations dans une dizaine de pays africains et asiatiques. Profitant pleinement de la hausse des cours des matières premières agricoles après les crises alimentaires de 2007/2008 et pariant sur la hausse structurelle de la demande en huile de palme dans les prochaines années, SOCFIN a mené une stratégie d’expansion agressive sur les terres agricoles ces dernières années. Entre 2008 et 2015 les plantations de la société sont passées de 127 515ha à 186 767ha, soit une augmentation de plus de 46%. De plus, ces surfaces plantées ne représentent qu’une partie de l’ensemble des terres contrôlées par le groupe, car Socfin détient des concessions pour un total de plus de 400 000ha dans le monde.
Cette stratégie d’expansion du groupe a mené à de fortes tensions foncières de terres dont les impacts sur les conditions de vie des populations locales ont été largement documentés et dénoncés par les associations locales et internationales. Dans plusieurs cas, les conflits provoqués ont déclenché des actions de protestation qui ont parfois été violemment réprimées par les forces de sécurité.
Face aux abus de l’entreprise, les communautés locales se sont organisées au niveau national et international. Dès 2013, une « Alliance internationale des riverains des plantations SOCFIN/Bolloré » a été mise sur pied. A plusieurs reprises l’Alliance a fait valoir les droits des communautés et a présenté ses revendications au groupe SOCFIN/Bolloré en vue d’une résolution pacifique des conflits, sans réel succès à ce jour. Loin d’accepter un dialogue constructif, les dirigeants de SOCFIN se contentent de déclarer que « la référence à de tels conflits sociaux relève du fantasme »1.
Localement, les mobilisations non-violentes répétées des riverains ont permis d’arracher l’ouverture du dialogue dans quelques pays. Mais les progrès sont très lents et les avancées concrètes insignifiantes pour les paysans touchés, malgré la nouvelle « politique de gestion responsable » adoptée par Socfin en 2016.
Les citoyens et organisations tiennent ici à apporter leur soutien aux communautés locales en rappelant aux dirigeants du groupe l’urgence de résoudre les conflits sur le terrain. A Fribourg, Bruxelles ou Paris, ils continueront de se mobiliser pendant que les riverains luttent dans leurs pays, tant que la Socfin ne respectera pas leurs droits et ne mettra pas le nécessaire en œuvre pour trouver des solutions durables aux conflits sociaux. Cette démarche commencerait par l’ouverture d’un dialogue avec les représentants légitimes des communautés.
Petite anecdote tant amusante que désespérante, la Socfin est tellement fermée au dialogue sociale qu’elle a préféré donner congé à ses salarié.e.s plutôt que de risquer une confrontation pacifique avec les associations présentes. Une question de fond demeure ; voulons-nous permettre à ce type d’entreprises d’exister et d’utiliser la Suisse comme un paradis fiscal ?
(Texte repris du communiqué de presse de RéAct)